GASTRONOMIE. Ex brasserie insipide de l'Ile Saint Louis, le Sergent Recruteurvient de se métamorphoser en sanctuaire gastronomique il y a moins d'un mois. De son passé, il ne reste que le nom et l'adresse. En effet, chaque centimètre carré a été repensé par le designer espagnol Jaime Hayon. De la tapisserie d'Aubusson tissée par le Musée du Textile d'Amsterdam aux suspensions blanches au dessus des tables en bois clair, rien n'a été laissé au hasard, pas même les couteaux gravés "4 :41" en hommage au numéro de la rue. A l'entrée, le bar hisse la "street food" sur un Everest : hot dog au homard bleu, gruyère d'Alpage 24 mois d'affinage sur pain frais, tuerie glacée au caramel demi-sel inspirée de la barre Snickers...
Au fond, on aperçoit le chef Antonin Bonnet surveiller les Saint Jacques pêchés le matin même qui viennent à peine d'arriver en cuisine. Il est midi. Une course à la montre s'engage pour assurer le service de 13 heures avec panache. Eduqué à la cuisine par Michel Bras, le chef a quitté le restaurant Green House de Londres pour rejoindre l'aventure la plus en vue du moment. L'occasion pour lui de faire la démonstration de son talent en l'espace d'une chorégraphie de six à huit plats. On redécouvre la betterave et ses facettes terreuses et acides, les maquereaux se réveillent dans une écume de raifort et de radis vert, les oignons des Cévennes se mettent à chanter sous le palais, le pigeon farci au foin révèle sa tendresse sous une poudre d'olives noires séchées... La dégustation, rythmée par des "ah" de satisfaction et des "mmmh" orgasmiques à toutes les tables, est accompagnée par une sélection de vins irréprochables choisis par Alexandre, le sommelier. A l'instar de ce saké au parfum de fleur blanche et d'embruns qui fusionne avec les crustacés marinés au yuzu. Encore confidentielle, cette adresse ne devrait pastarder à rejoindre les incontournables surbookés de la capitale, comme le Septime ou le Chateaubriand, dont on espère une table pendant des mois.